Mohamed Ahamada MliChaque homme, chaque société, tout comme chaque pays ou nation a une histoire qui lui est propre. Celle de la ville de Ntsaouèni est inséparable de deux hautes personnalités dont les noms restent gravés dans les mémoires de toute une communauté, de génération en génération : Mtswamindza et Mli. Le premier a posé les jalons de l’islam aux Comores, le second a assigné à « l’école », le mythe du
« laborieux écolier ». Le nom de Mli est ainsi accolé à « l’école » si bien que l’école primaire publique de Ntsaouèni se dénomme aujourd’hui, et à juste titre, « l’école primaire Mohamed Ahamada Mli ».

L’instituteur

Ce qu’on peut appeler communément « le moment Mli », se situe entre (1968 et 1975) durant lequel le nord de la grande Comores, notamment, la ville de Ntsaouèni, accueille un nouvel instituteur. C’est Mli, natif de cette ville même. Alors débute une ère nouvelle de l’enseignement dans cette région que certains oseront plus tard qualifier de « printemps de l’enseignement». Et pourtant, d’autres n’hésitent pas aujourd’hui à employer le mot « tempête » pour caractériser cette période durant laquelle l’instituteur avait dirigé les écoles primaires avec une main de fer dans un gant de velours.

Si l’instituteur est celui qui, avant toutes choses, instruit, dispenses des connaissances, Mli était cet Aristote à l’esprit « encyclopédique » qui était versé dans toutes les disciplines. Magique ! Comment pouvait-il assurer des cours de français (grammaire, conjugaison, expression orale et écrite …), de mathématiques (arithmétique, géométrie …), d’histoire et de géographie, de morale, d’éducation civique, le tout avec une maestria qui nous laisse aujourd’hui encore plus interrogatifs qu’admiratifs. Et la dictée ! La fameuse sanction « cinq fautes/zéro » était un cauchemar. C’est l’épreuve fatidique. Tous les vendredis. Et ce qui arrive aujourd’hui à la grande dame d’honneur (la dictée), est sans conteste une lèse majesté : vingt fautes/zéro.

L’éducateur

Si être enseignant est un métier, être parent est un devoir. Mli,
l’instituteur, une fois à l’extérieur de l’école, se substitue aux parents. C’est lui, l’initiateur des cours de groupes d’élèves qui partagent la même cabane ou résident au même quartier. Chaque groupe de quatre ou de cinq élèves se doivent de s’organiser pour réviser et faire des exercices ensemble. Ensemble parce que les plus doués
doivent porter assistance à l’élève en difficulté. Solidarité oblige. Ce n’est pas tout, chaque soir, le Maître se charge en personnes des cours de soutien afin sans doute de repérer les élèves en difficulté. Interdiction formelle d’aller aux tam-tams, aux jeux publics (cartes, dominos …). Par-dessus tout, il surveille de près chaque groupe. Comme disait un de ses élèves, « avec Mli, on ne peut pas faire semblant de travailler». On est très vite repéré. Cela s’appelle en clair, la valorisation du travail, du goût de l’effort, de la rigueur et du mérite. Et le résultat ne se fait pas attendre. Mli change la donne. L’on passe de 12% à 96% de réussite aux examens nationaux.

Le formateur

La formation concilie à la fois l’horizon de l’instruction et celui de
l’éducation. Mli, dans l’exercice de sa mission d’enseignant avait un mot d’ordre : « Chaque élève doit se familiariser avec la langue française ». Telle était la principale consigne qui circulait de bouche à oreille à travers la cour de récréation. La maîtrise de la langue française. Pour ce faire, il était interdit parler en langue nationale une fois à l’école. Que du français ! Durant la récréation, un bout de bois était remis au défaillant qui, à son tour se devait de se débarrasser de ce « témoin » en trouvant un autre élève tenté de parler en comorien à l’école. Chacun était le gendarme de l’autre. En toute évidence, il faut avoir une poigne de fer pour pouvoir réaliser une telle discipline. A l’horizon de cette pédagogie du travail, du dur labeur ou ce que certains esprits critiques appellent la pédagogie du « dressage », c’est bien évidemment, la formation du futur citoyen, des responsables de demain. Et, pour cette bonne et unique raison, Mli s’inscrit dans la lignée de ces hommes qu’on appelle honorablement aujourd’hui les
« Bâtisseurs ».